PARCOURSUP : machine à trier au service de la sélection
Un premier bilan catastrophique, des élèves angoissé·es, des enseignant·es démuni·es
La CGT Éduc'action, comme l’ensemble de l’interfédérale qui lutte depuis des mois contre la loi Vidal, avait prévenu: Parcoursup est une machine à trier les élèves et à les orienter suivant des capacités d’accueil contraintes par l’austérité budgétaire et les élèves n’y trouveront pas leur compte.
Les 1ers résultats sont pourtant pires que prévus. Le 22 mai, la moitié des 810 000 élèves inscrit·es sur la plateforme n’avait aucune réponse positive à leurs vœux, 29 000 n’ayant que des réponses négatives. Les élèves en attente voient affiché leur classement sur les listes complémentaires, très souvent avec un rang qui leur laisse peu d’espoir et qui les décourage en pleine période de révision du bac. Beaucoup de réponses positives le sont sur des « vœux de sécurité » et les élèves concerné·es sont donc souvent en attente sur leurs vœux privilégiés.
Depuis, au fil des acceptations des propositions par certain·es, le nombre d’élèves sans « oui » baisse lentement mais les élèves sans réponses resteront extrêmement nombreux·ses cet été et en septembre. Pire, de plus en plus d’élèves abandonnent la plateforme.
Les enseignant·es de terminale se débattent une fois de plus avec les injonctions contradictoires : rassurer les élèves ; tout en étant conscients d’être acteur·trice de leur sélection, et donc de la relégation de certain·es.
Un mensonge d’État
- Le ministère a expliqué que sa réforme permettrait d’en finir avec le tirage au sort.
Le tirage au sort n’avait lieu que dans certaines filières universitaires (STAPS, Droit, Psycho) dont le nombre de places ne permettait pas de répondre favorablement aux demandes. Cela ne concernait que 0,4% des élèves inscrit·es sur APB. Pour mettre fin au tirage au sort, il suffisait donc de financer des places supplémentaires pour ces 0,4%., déjà trop pour ce gouvernement qui n’hésite pourtant pas à offrir 5 milliards de baisse d’impôts pour les plus riches.
Surtout, avec Parcoursup, le classement des candidat·es se fait en transposant les attendus en note sur 20 et en les pondérant selon des critères opaques. Les établissements du supérieur se retrouvent ainsi à classer les élèves à trois chiffres après la virgule (jusqu’à 7 chiffres dans certains cas). Quelle différence avec le tirage au sort?
- Le ministère a expliqué que sa réforme permettrait de répondre aux difficultés des étudiant·es en licence.
Pour cela, les filières non sélectives qui ne sont pas en tension, devaient après examen des dossiers, répondre « oui si » aux élèves ne répondant aux attendus, ces candidat·es devant alors s’engager contractuellement à s’inscrire dans un accompagnement en licence.
Mais, faute de moyens pour réaliser un vrai accompagnement pédagogique des étudiant·es, une grande partie des UFR ne peut pas assurer ce suivi et place donc les élèves en fin fond de liste d’attente.
Enfin, si seulement 40% des étudiant·es inscrit·es en L1 le sont en L2 l’année suivante, c’est oublier que beaucoup réussissent en redoublant ou en se réorientant (20% d’étudiant·es sortent de l’enseignement supérieur sans diplôme). Or, avec Parcoursup, les étudiant·es en réorientation se retrouvent en grande difficulté sur une plateforme qui ne répond pas à leur profil et sont les grands perdant·es de la réforme.
- Le ministère a expliqué que tou·tes les bachelier·ères pourraient s’inscrire en licence.
Pour la grande majorité, sans doute mais, pas une licence qu’ils ou elles auraient réellement choisie. En effet, beaucoup seront contraint·es d’accepter un vœu « de sécurité ». D’autres, les capacités d’accueil restreignant les réponses favorables possibles, devront attendre septembre et auront une journée pour répondre favorablement à une proposition totalement déconnectée de leurs aspirations.
Les classes populaires sacrifiées...
Le ministère garde le plus grand secret sur les statistiques de Parcoursup par types d’établissements (LP, terminales technologiques, lycées anciennement classés en éducation prioritaire). Pourtant, les remontées de terrain démontrent que les élèves issu·es des classes populaires sont les premières victimes du nouveau système.
On savait déjà que les attendus écartaient de fait les bachelier·ères professionnel·les de l’accès à l’université ainsi que la majorité des élèves issu·es de la voie technologique; on remarque également que les élèves en attente sont surreprésenté·es dans les établissements des quartiers populaires.
C’est ainsi que l’on voit des élèves de lycée populaire se retrouver en attente sur certains vœux alors que des camarades de l’établissement de « centre ville » à proximité se voient accepté·es avec des moyennes inférieures… Il faut dire que certaines directions d’UFR n’ont pas hésité à intégrer l’établissement d’origine, voire les codes postaux des élèves dans leurs algorithmes locaux.
La multiplicité des algorithmes locaux aux critères de sélection opaques accentue de fait ce tri social.
… dans le cadre d’un système de plus en plus élitiste.
La loi Vidal et la mise en place de Parcoursup constituent une attaque sans précédent contre la démocratisation de l’enseignement supérieur mais aussi contre la massification du lycée et l’élévation continue des qualifications. La réforme du lycée général et technologique ainsi que de la voie professionnelle sont l’autre face de cette offensive.
Le lycée général devient, plus encore, une machine à spécialiser et à orienter précocement en mettant en concurrence les élèves confronté·es à des choix de spécialités capitales pour leurs poursuites d’études.
La réforme de la voie professionnelle n’a pour but que d’adapter la formation aux seuls besoins du patronat aux dépens de sa qualité, de la culture générale des élèves ainsi que de leurs poursuites d’études.
Conjuguées, ces réformes mettent fin au caractère national du baccalauréat qui n’est plus le 1er grade universitaire permettant l’inscription dans la licence de son choix et confortent le rôle de tri social de l’École au détriment des classes populaires.
C’est l’aboutissement de la vision la plus libérale de l’École, celle de la concurrence généralisée:
- entre élèves avec la sélection bien sûr, mais aussi lors des réponses de Parcoursup, la fin des mises en attente des vœux de certain·es dépendant de l’acceptation des propositions « oui » des autres
- entre lycées, dont on voit que la réputation influera sur les poursuites d’études, y compris en licence
- des universités, les plus demandés ayant la faculté de choisir leurs élèves (et bientôt leurs frais d’inscription) au détriment des autres qui prendront celles et ceux laissées sur le bord du
chemin.
La CGT Éduc'action exige :
· L’ouverture immédiate des places nécessaires en licence pour satisfaire toutes les demandes des élèves avec la possibilité de classer leurs vœux
· L’abrogation de la loi ORE et l’ouverture d’une concertation pour remplacer le système Parcoursup l’année scolaire prochaine
· L’abandon des projets de réformes des lycées généraux, technologiques et professionnels et l’ouverture de négociations pour d’autres réformes de ces trois voies
Publication : 12/06/2018