L'école au centre du dispositif santé des élèves : assez de belles paroles, on veut des actes !!
ÉDITORIAL
Le 27 novembre, le ministre de l’Éducation nationale et la ministre des Solidarités et de la Santé ont, dans un communiqué commun, fait part de leur intention « d’inscrire la politique de santé scolaire dans le cadre de la politique de santé publique » et souhaité, en particulier, renforcer l’accès à la santé pour les enfants de 0 à 6 ans.
Cette annonce avait été précédée par la présentation du rapport 2017 du Défenseur des droits. Ce rapport, consacré aux droits de l’enfant, et plus spécialement axé sur la mise en œuvre du droit à la santé, déplore « un déséquilibre croissant entre les droits consacrés par les textes législatifs et réglementaires ou les plans d’action, et les droits réalisés de manière effective ».
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) mesure l’urgence de la situation. En mars prochain, il présentera ses préconisations pour que l’école puisse jouer le rôle qui devrait être le sien dans le dépistage, le diagnostic et l’accompagnement vers les soins. Son avis abordera toutes les dimensions de la santé. Il accordera une place particulière à l’impératif d’une meilleure coordination entre l’ensemble des acteurs·trices concerné·es, mais aussi à la nécessaire valorisation des métiers de la santé préventive à l’école.
De toute évidence, les ministères se suivent et se ressemblent. Tous font le constat de la précarité de l'accès aux soins pour les élèves et les étudiant·es, tous veulent prendre des mesures phares pour montrer qu'ils se sont intéressés au problème. Pour autant, penser que la solution réside dans la coordination des acteurs·trices et la valorisation des métiers, c'est refuser de voir les conditions de travail dégradées et la rationalisation extrême des moyens. La CGT Éduc'action avait déjà prévenu, lors des groupes de travail que, ne pas mettre en regard de l'ambition affichée les moyens nécessaires à sa mise en œuvre vouait les objectifs à l'échec…
C’est pourquoi, la CGT reste vigilante et refuse tout transfert de missions et réclame des moyens pour que la promotion de la santé en faveur des élèves ne reste pas une chimère.
Sandrine SCOGNAMIGLIO
CONDITIONS DE TRAVAIL : LE SACRIFICE AU QUOTIDIEN
Heureusement que la circulaire n° 2017-045 du 9-3-2017 précise pour la rentrée 2018 que « Malgré un contexte budgétaire national contraint, le choix a donc été fait d'accorder à l'École toutes les ressources dont elle a besoin, de faire de l'éducation un investissement pour l'avenir de nos enfants et de notre pays. » Les infirmier·ères scolaires ne doivent donc pas entrer en compte dans les ressources de l'Éducation nationale qui concourent à la réussite des élèves et étudiant·es...
Pourtant, lors des différentes réunions du groupe de travail 12 (GT12) qui a enfanté dans la douleur deux circulaires : celle des missions et des visites obligatoires, la CGT n'a eu de cesse de sensibiliser sur l'inégalité de dotation des territoires et l'absence d'ambition du ministère de l'Éducation nationale quant à la réduction de ces inégalités. En saupoudrant quelques postes annuellement, le ministère tente de faire avaler la pilule des différentes réformes (éducation prioritaire, parcours éducatif de santé...) sans pour autant créer les moyens d'une réelle promotion de la santé à l'école.
En effet, clarifier les missions ne suffit pas à améliorer les conditions de travail quand les infirmièr·ères sont sollicit·ées en permanence par les élèves, les équipes enseignantes et le ou la chef·fe d'établissement et que leur temps de présence sur l'établissement ne leur permet pas de répondre à toutes les demandes.
Nombreuses sont également les sollicitations de certaines équipes de direction pour intervenir dans les choix professionnels, tenter d'imposer des glissements de tâches : organisation des projets d'accueil individualisé, plan d'aménagement pédagogique, gestion des accidents de service, formation aux 1ers secours, visite des élèves de 6 ans...la liste pourrait s'allonger tant les demandes sont multiples pour essayer de répondre aux carences en personnels administratifs, en médecins scolaires, en formateur·trices de secourisme...
Il n'est donc pas facile de s'épanouir au travail quand on a le sentiment perpétuel d'avoir à choisir entre les de-mandes faute de temps, ou de les refuser car ne faisant pas partie de nos missions, alors que l'on sait très bien que toutes concourent au mieux- être des élèves. On se trouve exactement dans le cas de la double contrainte ou de l'injonction paradoxale, source d'insatisfaction, de stress au travail, d'épuisement professionnel.
Comment se sentir bien au travail quand on s'aperçoit que outre les maux des élèves, l'infirmier·ère se voit sou-vent investi·e de trouver une réponse aux maux du système éducatif ?
La circulaire n° 2015-119 du 10-11-2015 des missions des infirmier·ères de l'Éducation nationale précise bien leur autonomie et leur responsabilité quant aux choix d'éducation et de prévention, ceux-ci s'appuient sur leur propre analyse. Il n'appartient à aucun·e chef·fe de service de revenir sur la liberté de ces choix.
Si la CGT Éduc'action revendique un service infirmier à l'Éducation nationale, avec une hiérarchie fonctionnelle, ni sous l'autorité des médecins, ni sous celle d'un·e chef·fe d'établissement, c'est aussi pour que les conditions de travail soient harmonisées à l'échelle nationale et qu'aucun·e d'entre nous ne se trouve seul·e à devoir justifier des choix professionnels. C'est ensemble que nous pouvons créer le véritable rapport de force favorable à l'amélioration de nos conditions de travail.
PARCOURS ÉDUCATIF DE SANTE
La circulaire n° 2016-008 du 28 janvier 2016 présente le parcours éducatif de santé. Celui-ci, censé organiser une approche transversale de la santé, est une réflexion qui, certes, inscrit la promotion de la santé des élèves comme un incontournable de la réussite éducative et ce, dès la maternelle, mais l'aborde également dans trois dimensions : la prévention, l'éducation et la protection.
Le parcours éducatif de santé objective la réduction des inégalités ; la loi n°2013-595 du 08 juillet 2013 affirme que la politique éducative sociale et de santé en faveur des élèves doit être renforcée et menée en cohérence avec les autres volets de l'action gouvernementale tels que la politique de santé publique, les politiques sociales et familiales, la politique de la ville, et associer l'ensemble des partenaires institutionnels et associatifs.
Les objectifs sont clairs et à la CGT, nous les partageons. Toutefois, nous nous interrogeons sur l'absence d'analyse sur la situation catastrophique de la promotion de la santé dans l'Éducation nationale et la mise en péril de la santé scolaire.
Que dire quand, dans certaines académies, moins de 30% des élèves ont pu bénéficier de la visite médicale obligatoire à 6 ans ? Que dire quand un·e infirmier·ère partage son temps de travail entre 2 ou 3 EPLE et les écoles de leur secteur ?
Depuis des années, la promotion de la santé souffre d'absence de moyens : certains départements sont des déserts médicaux (il y a en France en moyenne un médecin scolaire pour 15 000 élèves), des postes d'infirmier·ère ne sont pas pourvus, les métiers ne sont plus attractifs. Force est de constater qu'en l'absence d'un réel engagement en faveur de la reconnaissance professionnelle, de l'amélioration des conditions d'exercice, le parcours éducatif de santé, aussi ambitieux soit-il, aura du mal à trouver un écho favorable à sa mise en œuvre.
Par ailleurs, la circulaire, si elle cite, une fois, la consultation des comités de vie lycéenne, ignore totalement la santé des étudiant·es.
Pourtant, la SMEREP (Société Mutualisée des Étudiants de la région parisienne) dans son enquête de 2016, dé-voile des chiffres qui mériteraient toute l'attention du ministère de l'Éducation nationale et du ministère de l'Enseignement Supérieur et de l'Innovation.
- 1 étudiant·e sur 2 a déjà rencontré des difficultés financières.
Une pratique de l’automédication et des consultations chez le médecin délaissées
- Plus de 10% des étudiant·es français·es se considèrent en mauvaise santé. Le constat est le même pour les lycéen·nes qui sont 10% à qualifier leur santé de mauvaise.
- 38% des étudiant·es français·es pratiquent l’automédication. Ce chiffre atteint 45% pour les lycéen·nes.
- 20% des étudiant·es en Ile-de-France estiment que le médecin coûte trop cher versus 14% des étudiant·es français·es.
Les résultats complets de l'enquête : https://www.smerep.fr/ckeditor_assets/attachments/5769319a756d6732ae009c46/2016-06_cp_etude_sante_2016.pdf?1466511768
Accompagner le parcours éducatif de santé par la simple réécriture des missions des personnels sociaux, des médecins, des infirmier·ères ne suffira pas. Imposer l'austérité et la résignation ne rétablira pas la réussite éducative. La circulaire parle beaucoup de mutualisation, si partenariat il y a, la CGT sera vigilante à ce qu’il ne se transforme pas en externalisation des missions.
Considérant que la santé doit être considérée de la maternelle à l'université, des moyens conséquents pour mettre en œuvre le parcours éducatif de santé doivent être mobilisés rapidement pour ne pas mettre en péril la promotion de la santé et la médecine scolaire et universitaire, la CGT se bat au quotidien dans cet objectif.
L'ORDRE INFIRMIER : POUR LA CGT C'EST TOUJOURS NON !
Depuis sa création en 2006, sous le quinquennat de Nicolas SARKOZY, l’Ordre National des Infirmiers (ONI), confirmé par la Loi HPST, ne cesse de défrayer la chronique parmi la profession. Très majoritairement rejeté depuis plus de 10 ans, cet organisme a usé de toutes les formes pour tenter de trouver une crédibilité. Annoncé un moment comme défunt avant d’être né, il a bénéficié des largesses d’un gouvernement qui après l’avoir « dénoncé», l'a par la suite, encensé en lui confiant de plus en plus de missions. Après une volte-face magistrale, Marisol TOURAINE lui a remis le pied à l’étrier à travers la Loi santé en janvier 2016, puis en publiant le Code de déontologie des Infirmiers en novembre l’an dernier (décret 2016-1605 du 25 novembre 2016).
Jusqu'à ce jour, la CGT s'appuyait sur la non-parution du décret prévu dans l'article 63 de la loi HPST, qui pré-voyait que les employeur·euses devaient fournir, à l'ONI, la liste nominative de ses salarié·es pour une inscription automatique. Or, il se trouve que depuis le 24 mars 2017, un arrêt du Conseil d’État enjoint le Ministère de pré-parer ce dit décret dans les 3 prochains mois ! Cette injonction n’est pas assortie d’une astreinte financière et n’oblige pas l’État à publier le décret.
Les infirmier·ères refusent de payer pour travailler et ne veulent pas de cet ordre ! C’est ce qui explique le taux très faible d'inscriptions (200 000 sur 638 248 infirmier·ères) malgré les pressions et contraintes incessantes de certaines ARS, Directions d’établissement sans oublier les menaces de toutes sortes de l’ONI. La CGT s’est toujours opposée aux ordres professionnels et elle poursuit son combat dans ce sens. Elle refuse le fait de confier des missions régaliennes qui devraient être assurées par l’État (démographie - formation - régulation - contrôle - discipline…) à une structure privée ; il s’agit d’une privatisation de Services publics. Et comme si cela ne suffisait pas, l’obligation faite aux infirmier·ères de « prêter serment » pour respecter le Code de déontologie est un geste rétrograde! Les personnels infirmiers ont d’autres attentes que de se voir imposer de nouvelles « règles de conduite ». Elles et ils, quel que soit leur lieu d’activité, aspirent à travailler dans de meilleures conditions, en nombre suffisant, avec une meilleure reconnaissance professionnelle, un meilleur salaire. Les infirmier·ères n’ont pas besoin d’un ordre pour travailler.
DERNIÈRE MINUTE
Le 28 novembre 2017, le Conseil d’État a ordonné d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 novembre 2015 de la ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoires prévues à l'article L. 541-1 du code de l'éducation
L'arrêté du 3 novembre 2015 est annulé en ce qu'il comporte à ses annexes I et II la disposition suivante : « -mise à disposition des données issues de cette visite aux personnels de l'éducation nationale en charge du suivi de l'élève concerné, dans le respect du secret professionnel ».
Problème signalé en groupe de travail n° 12 (GT12) par la CGT Éduc'action et non pris en compte par les représentants du ministère...
Publication : 28/12/2017